La barbe à papoune

Une fois de plus, au terme du premier set j’ai pensé me rendre au bar pour qu’on me verse un crédit d’un pot ! Liquéfiés devant des Nancéens hargneux, façon Majdak, nos Bleus ont ouvert le bal avec l’allure de visages pâles. Comme pétrifiés devant la horde serbe nancéenne jouant des cordes vocales autant que des mains. Non sans efficacité d’ailleurs. Entré dans Coubertin la salive aux lèvres, je me suis vite retrouvé la bouche sèche à 11/16 devant notre équipe crachotant un volley sans saveur. Désemparé devant ce non spectacle j’ai cru à ce moment précis que j’allais y laisser ma barbichette. On se décontracte comme on peut en situation critique. Et je dois avouer que ce nouvel attribut pileux sur ma pomme joue un rôle anti-stress réel quand on ne sait plus quel poil de cheveux se tirer pour changer le destin d’un match. La barbe à papoune (validée par mes petits enfants) est d’ailleurs un choix d’équipe puisqu’en cela j’ai décidé de me joindre au panel de barbus qui peuple notre club aussi bien joueurs que dirigeants ! Outre le fait qu’au-delà de la mode on vous regarde d’un autre œil, j’ai pu vérifier in situ le bien fondé de mon choix. Muni de cette force nouvelle semble-t-il indispensable aux sportifs, je me suis senti quelques forces revenir quand nos artilleurs Colo, Hunt , Tuifa et Paofaï pris d’un soudain sursaut d’orgueil ont, à leur seule puissance de bras, recollé les morceaux à 21/21 avant malgré tout de céder le set (22/25).

 

Et puis, comme par magie, sans doute une certaine confiance recouvrée, nos Bleus se sont mis à jouer, à jouer, à jouer… semblant même se faire plaisir. Mais à jouer avec plus « d’agressivité et de combativité… », comme leur avait prescrit sur ordonnance leur coach Gilles en amont de la rencontre. Colo et Hunt exécutant, à contre-emploi de leur nature, plusieurs attaques avec finesse et douceur à « la barbe » (est-ce un hasard ?) de la réception adverse. Désemparés devant une irrésistible série de coups tordus les nancéens cumulent les fautes directes au service et patouillent la plupart de leurs réceptions. Du pain béni pour le trio Colo-Hunt-Tuifua de mieux en mieux servi par notre jeune passeur du jour Yao Gnenegbe, appelé à diriger la manœuvre pour ce match. J’y ai vu une affaire de trouble à la lisibilité du jeu nazairien par leurs adversaires. Car la rupture brutale de style de jeu a été telle, côté maritime, qu’il eût fallu beaucoup de réactivité collective chez nos adversaires pour éviter le naufrage. A 22/14 je me frise le menton et comme tout le public je reste scotché sur une mitraille de Lionel Coloras pour le 23ème point qui ouvre la voie à l’égalisation (25/18). Morale de l’histoire à mon humble avis : il faut que les Bleus se lâchent, à commencer par leur prise de tête !

Car les talents potentiels de l’effectif sont bien là. On a pu le vérifier au fil du turn over bouclé par notre coach Gilles. Lorsque les deux rampes de lancement que sont le libéro et le passeur (et ce fut le cas sur les trois derniers sets) placent justement leurs équipiers sur orbite, le parquet tremble chez l’adversaire (25/19 – 25/18 – 25/22). Quel qu’il soit. Cambrai que nos Bleus ont réussi à mater (3/2) à domicile n’est-elle pas l’équipe aujourd’hui dans le duo de tête au classement ? Alors tombez les complexes les amis ! Surtout avant de devoir manger prochainement une double ration de Lyon (24 et 28/11 en championnat dans le Rhône puis Coupe à domicile). Une chose vient d’être une fois de plus vérifiée contre Nancy : vos supporteurs ne vous lâchent pas, encore très nombreux l’autre soir à Coubertin, malgré la large cannibalisation sportive locale et télévisuelle (rugby) d’un soir. Il est accro comme une bernique sur son rocher. Et comme moi, s’il vous fait un peu la tronche parfois, il aime surtout faire la fête avec vous à la moindre victoire. La petite communion entre nous à l’issue du match contre Nancy en dit beaucoup sur le lien qui unie le public à ses joueurs. Quant à moi, si un jour vous prenez mon humeur justement en défaut, vous aurez droit à venir me tirer la barbichette !

Le 19 novembre 2017                         Luc Viel