La dragonnade tourne à la fête

Des ballons multicolores lancés vers les tribunes, des élégantes gambettes tournoyantes sur la moquette, un gymnase plein comme un œuf frais pondu du matin… Match de gala en mire, un air de Croisette planait sur Coubertin pour la venue des Dragons de Cannes.

A l’issue du match, on aurait presque pu sortir le tapis rouge sous les pompes de nos Bleus à deux doigts de gober les trois points, puis le bonus du tie-break au leader incontesté de la Ligue B. Mais la glorieuse incertitude du sport, une fois de plus, a fait son œuvre, et la victoire a fui le SNVBA comme le sable de la plage cannoise se dérobe devant le Carlton (vu à la télé aux infos de la semaine) ! Venus avec l’idée de s’offrir un bol d’air sur la promenade new-look de Saint-Nazaire les sudistes pensaient nous infliger une dragonnade en règle.
Certes, nos maritimes ont dû jouer les Shadoks pour combler les trous sans fond que leurs adversaires aux allures de Gibis ont tenté de creuser 2 h 32 durant. Mais leur soutirer un point a suffi aux quelque 1200 supporteurs présents pour faire la fête. « C’est la première fois que je vois un public acclamer ses joueurs debout pour saluer une défaite… », me confie l’un de mes voisins de grande culture « coubertine ». Même la presse locale s’est résolue aux louanges pour illustrer la rencontre à l’issue d’une opposition sportivement passionnante. C’est dire si le volley-ball, quand il se transforme en spectacle total, peut apporter du bonheur collectif. C’est d’ailleurs l’avis de Thomas Minot, directeur du Décathlon local, lequel mine de rien a réussi son service smashé de sponsoring de la soirée : « Pour une première, je viens de vivre un grand moment de fête dans cette salle. Notre soutien ne faillira pas… ! ». Et quand il a roulé jusqu’à notre abonnée gagnante du vélo Décathlon, notre fidèle supportrice ne paraissait pas du tout déçue du voyage sur les gradins de Coubertin.
Moi non plus d’ailleurs, mais pour une toute autre raison : la chorégraphie du Groupe Dans’Club dirigé par Karine Mayet nous en a mis plein les mirettes. Sur un air de « Pink » (c’est ce que l’une d’elle m’a soufflé !) la trentaine de danseuses (et son unique danseur) de Modern’Jazz a failli saturer la carte mémoire de mon Nikon à la pause ! N’y voyez pas d’inconvenance, j’ai seulement un goût prononcé pour l’esthétique. Notre public, lui, a apprécié en leur offrant en guise de remerciements une salve d’applaudissements. Et je soupçonne certains d’avoir redoublé d’efforts histoire d’envoyer un message à nos dirigeants pour perpétuer la charmante initiative. J’ai crû aussi voir certains joueurs revenir prématurément s’échauffer, en vue de ne rien rater du spectacle.
Mais surtout dans l’attente d’un exploit sportif, les puristes du volley, comme nos Bleus, se sont vite « re »concentrés sur l’objet du désir : gagner le match contre une équipe érigée en mur infranchissable. « Nous y étions à deux doigts, à deux points, ce qui prouve la valeur et les progrès de notre équipe… » a commenté notre coach Gilles Gosselin à l’issue de la rencontre. Au point lui aussi de qualifier le résultat « de défaite encourageante », et de sortir, comme tous les supporteurs, très heureux de rajouter un point dans l’escarcelle du SNVBA au classement.
A l’inverse celui qui est apparu vivre un calvaire dans ce match c’est Arnaud Josserand, l’entraîneur des Dragons, accessoirement adjoint de Laurent Tillie en équipe de France (s’il vous plaît!). Réputé pour son calme olympien, le coach azuréen en est même arrivé à déchausser ses lunettes pour mieux fusiller ses joueurs dans le blanc des yeux. Ses soufflantes à répétition sur le banc dont j’ai pu saisir quelques bribes signifiaient des menaces que la décence m’interdit ici de reproduire. C’est dire s’il a craint voir son équipe subir la guillotine à Coubertin. Fort de ses deux seules défaites devant les Centurions de Narbonne et un seul point pris par une autre équipe depuis le début de la compétition : le SNVBA ! Bon vous allez me dire : « l’humeuriste » se console comme il peut. Moi je réponds : y’a pas de mal à se faire du bien. Et de profiter pendant 15 jours de la 4ème place au classement avec un Steve Hunt dans le top 5 des marqueurs de Ligue B suffit à mon bonheur. Comme, j’en suis sûr, à tous les supporteurs du club prêts à bouffer du Lyon le 17 février prochain. Cette fois, après nous avoir éliminés, il n’y aura pas loin de la Coupe aux lèvres…

Le 1er février 2018 Luc Viel