Mon expérience «d’Escort boy » à Coubertin

Je ne vais pas vous refaire le coup de la confiture de coing après ce point grignoté aux Tourquennois.  Mais pour les nordistes du TLM, une victoire étriquée 2-3 n’était pas du tout l’objectif.  Ils se sont bien réconfortés bruyamment en vociférant bras dessus – bras dessous à l’issue de la rencontre.  Mais il me semble bien, à découvrir les mines confites de retour aux vestiaires (car j’ai pu exceptionnellement y accéder), qu’il s’agissait plutôt de dégonfler une grosse pression montée au fil du match dans la cocotte en surchauffe de Coubertin.

 

A l’évidence, le scénario du match n’a pas été – et de loin – celui imaginé par les visiteurs obnubilés par l’ascension en Ligue A.  Pas plus que le mien d’ailleurs.  Car, confortablement installé dans mon siège bleu des VIP, justifié par la mission d’humer l’ambiance du jour à Coubertin, j’apprends qu’un limier de la lutte anti-dopage venait de réquisitionner un vestiaire pour opérer six contrôles inopinés sur trois joueurs de chaque équipe.  Jusque-là rien de plus conforme à l’éthique du sport, me dis-je ?   Sauf que la procédure exige le suivi « à la culotte » de chaque joueur désigné de la sortie du parquet jusqu’au passage à « l’arrêt pipi » devant le témoin officiel délégué aux opérations prélèvements par les instances anti-dopage.  Et voilà, que j’apprends, sans doute en raison de ma réputation de journaliste incorruptible, que je suis invité à devenir l’un des six « Escort boy », chargé du suivi de nos athlètes.  Et ne croyez pas qu’ils soient contraints au confinement dans l’attente du soulagement final dans l’éprouvette !  Non, chaque sportif, en attendant son tour, peut se déplacer autant qu’il veut et autant qu’il décide de se divertir.  En toute logique, au terme d’un combat acharné en cinq sets, la plupart d’entre eux sont demeurés sages dans le couloir de contention, tenus à l’œil par l’escorte de bénévoles dédiés au filotage.  Ma chance a été de tirer le gros lot de la soirée : le plus jeune nazairien et de surcroît remplaçant, donc pas privé d’énergie.

 

La suite, vous la devinez !  J’ai passé mon après-match à tenter de tenir en laisse (virtuelle) notre jeune « Bleu » pour qui d’ailleurs ce contrôle anti-dopage constituait une « première ».  Et que je te signe des autographes à la chaîne sur le parquet.  Et que je t’embrasse des supportrices.  Et que je slalome prestement pour répondre discrètement au téléphone.  Et que je te joue le barman pour les équipiers multipliant les trajets bar – vestiaire avec quelques petits détours par l’espace réception histoire de grignoter une gâterie…  Moi, sillonnant la foule (car il y avait foule, le match étant joué à guichets fermés), je n’avais que la trouille de le perdre des yeux !  Et l’affaire a duré.  Car j’ai découvert qu’il était bien difficile d’uriner sur commande.  Donc il faut attendre que la nature fasse son œuvre tandis que les vessies des copains se gonflent comme une poche de biniou sous l’effet des litres d’eau ingurgités en cours de match.  Presque de la torture pour certains, pliés en quatre, contraints aux exercices de respirations artificielles pour tenir la distance.  C’est là qu’on découvre les athlètes au gainage les plus solides !  Avec cerise sur la brioche permettant aux « escorts » épuisés de se sustenter lors d’une attente au terme imprévisible : car un refus du premier jet peut être jugé trop clair par le sondeur « officiel » des reins.  Conséquence : bis repetita pour la pause pipi après une douche « surveillée »pour quelque uns d’entre eux.  Et que croyez-vous qu’il arriva : mon « boy », le plus jeune et assurément le plus fair-play du groupe (c’est tout à son honneur) a laissé passer toute l’escouade de contrôlés avant que je lui lâche définitivement les baskets.

 

Je ne vous dis pas mon visage rayonnant quant à minuit bien sonné j’ai vu l’ami Nicolas s’extraire de l’officine d’un soir, sa feuille jaune officielle en mains qu’il tenait comme son premier permis de conduire.  En vérité un présupposé permis de bonne conduite sportive.  En attendant le verdict non pas des urnes mais des urines.  Sur la conviction qu’elles soient blanches pour tous, tous les « escorts » du soir se sont réconfortés d’un coup « modéré » de rouge.  Histoire de récompenser l’esprit d’équipe.  Et moi, d’arroser mon premier parcours sportif « d’escort boy » !

 

Le 13 février 2015

 

Luc Viel