Sur nos visages une larme

Bon. OK. Je vous l’avoue. De retour au bercail, infidèle à mon habitude, je ne me suis pas précipité sur les « stats » du match. Trois sets secs, c’est raide comme du triple sec. Pas de nature, a priori, à me donner du baume au cœur après ce décapage d’estomac. Il faut dire que le 8/1 encaissé d’entrée donnait le ton de la rencontre à venir. Avertissement avec frais comptants. Cette équipe-là n’était pas décidée à se laisser dézinguer les cannes, soucieuse de sauver sa possible peau de chagrin en Ligue AM. Comme d’habitude, le gymnase bondé de Coubertin avait mis son « Bleu » de chauffe  et l’ace du coup d’envoi de Monsieur le Maire, venu en personne célébrer ce match de gala, donnait bien la route sportive à suivre. Mais il a vite fallu se rendre à l’évidence. Ce soir-là, trop d’écarts techniques, physiques et peut être même et surtout- psychologiques séparaient le SNVBA de son adversaire. Et la Ligue B de la Ligue A. Trop de marches restaient  à gravir pour atteindre le Palais des finales à Paris. Aussi, à défaut d’enrouler le tapis rouge comme je l’avais imprudemment écrit lors d’un précédent billet, je dois aux Cannois d’étaler un parchemin de louanges : une réception intraitable, un bloc impénétrable, une réussite insolente au service, le tout sous la baguette d’un chef d’orchestre en or, l’international Pierre Pujol, distributeur de caviars hauts de gamme pour ses coéquipiers, tout au long du match. Dès lors, pas étonnant d’entendre l’impassible coach Arnaud Josserand ne leur tenir qu’un mot pour discours à chaque temps mort technique : « déroulez, déroulez, déroulez… c’est bon !». Moi, pendant ces temps-là je m’efforçais d’enrouler mon mouchoir dans ma poche.

D’ailleurs, il a bien failli me servir ce mouchoir, lors du pot de fin de saison offert à nos partenaires, staff et joueurs comme bénévoles de tous métiers au sein du club. Glissé dans la vénérable assemblée pour choper l’état des esprits (et 2 ou 3 petits fours)  après cette formidable saison de nos Bleus, j’ai récupéré une bonne info et vécu un inattendu moment d’émotions partagées. Après que notre président Yannick Poterie eût chaudement félicité tout ce beau monde et précisé le projet du club de devenir champion de Ligue BM sous 2 ans, la tresse d’éloges adressée à notre talentueux coach Gilles Gosselin l’a tellement rempli de joies accumulées (il nous l’a dit dans la foulée) qu’il n’a pu retenir quelques larmes. Notre Gilles allait-il sombrer aux chants d’honneurs ? La salve d’applaudissements montée de l’assemblée présente a vite séché les sanglots courts de cette saison loin d’être monotone ! Pour lui, comme pour nous, partenaires et supporteurs.  Moi, allez savoir pourquoi, cette tranche de vie m’a tout de suite mis en boucle dans la tête le titre d’une vieille ritournelle signée Lucky Blondo : « Sur ton visage une larme… ». Que j’ai bien envie de « pluriéliser » (excusez-moi c’est pratique) pour l’occasion. C’est vrai, ça date un peu. Mais je trouve l’image belle pour clore une telle saison. Surtout, au-delà du cliché, ce petit épanchement de sentiments révèle, comme me l’a rappelé Daniel Salmon, pilier parmi tant d’autres du SNVBA : « voilà une preuve de plus que ce club a une âme… ».

Cette âme SNVBA, de par son parcours et à son poste clé, Gilles l’anime d’une manière exemplaire au service du club. Mais beaucoup d’autres acteurs impliqués au quotidien la ravivent au jour le jour et d’années en années. Pour illustrer cette flamme impérissable quels que soient les aléas sportifs, je m’autorise à citer les acteurs de deux initiatives : l’une interne : l’animation de la salle au cours des matches portée désormais par trois jeunes étudiants. L’autre externe : les commentaires en direct des Live LNV diffusés via Dailymotion, une quasi exclusivité (avec Rennes et Paris…) au sein du volley professionnel français. Elles sont le fait de récents passionnés de volley pour la première et de deux sportifs vétérans du club pour la seconde. Ils s’appellent Joshua Dupont , Benjamin Breton aux tambours et Alexis Tougeron au micro d’une part. Pascal Gaudin et Roger Vallée de l’autre, heureux comme des gamins de joindre, ne fusse que le temps du match,  les actes (du jeu) à la parole (des cœurs). Alexis Tougeron formé deux saisons durant à l’école de Daniel Lemasson aux chants (sic…) me rapporte que son équipe d’animation est : «bourrée d’idées pour booster l’ambiance de Coubertin dans le futur ». Ça promet ! Pascal Gaudin confesse de son côté, qu’outre le fait de traduire jusqu’aux états « d’âme » des joueurs (dont il a été) en cours de match, son temps consacré à causer de nos Bleus sur les ondes : « n’est qu’un juste retour que ce que tout le club lui a donné durant sa carrière sportive… ». Son duo annonce aussi vouloir élargir les voix du SNVBA sur le Net. Eh bien voilà de quoi se nourrit l’âme d’un club. Et le SNVBA n’est pas seulement riche de ses talentueux sportifs, il l’est aussi de ses dévoués et passionnés serviteurs. Moi, j’ai tendance à penser que ce supplément d’âme, ressenti et apprécié de nos joueurs, dont une grande majorité semble avoir choisi de demeurer au club la saison prochaine, n’est pas étranger au superbe parcours qui vient de les hisser en demi-finales des playoffs. La surprise de la saison en Ligue B, dixit nombre de coach lus ou entendus !

Alors pour qui que nous soyons, voilà donc bien une saison réussie de « volley plaisir », comme me l’a résumé Alexis Tougeron, détaché pour un soir de la révision de son bac « hôtellerie-restauration». Il formule le secret espoir de dénicher un CDI dans le coin pour pouvoir continuer à chanter le SNVBA à tue-tête chaque soir de match à Coubertin. On lui souhaite de tout cœur. De mon côté pour info et me consoler d’une trop longue trêve estivale, privé d’humeurs, je me suis enfin acheté le foulard dernier cri (forcément) aux nouvelles couleurs du SNVBA. Il sera étalé sur le dossier du canapé de mon bureau jusqu’à la reprise. Mais, après une telle saison, je n’exclue pas l’utiliser d’ici là pour sécher une petite larme de nostalgie !

Le 27 avril 2017

Luc Viel