Sainte-Luce a prié pour lui

Oui j’y étais. En chair et en os. Ce samedi, Salle Omnisport du Plessis-Robinson. Pas plus serein que ça quand j’ai lu à l’entrée, en grosses lettres, qu’elle avait été inaugurée par le regretté (c’est la formule consacrée !) Charles Pasqua, en son temps arbitre de la politique locale… Encore moins rassuré quand j’ai découvert l’ampleur de son mur d’escalade tapissant tout son fond de salle. J’y ai vu comme un signe de grandes difficultés. Je me suis dit que notre équipe maritime en cette soirée capitale était condamnée à franchir une montagne tant j’y découvrais de dévers sur le profil.

A notre arrivée, quelques dizaines de minutes avant le match, pas un chat dans les gradins. Chouette, me dis-je, on va pouvoir pourrir l’ambiance à gorges déployées. C’était sans compter sur l’invasion tardive des supporteurs locaux. La poignée d’émigrés nazairiens présents, regroupés en mode défense-attaque vocale au centre de la tribune, a subi un encerclement en règle à quelques minutes du coup d’envoi. Car finalement le SNVBA a fait recette, l’enjeu de la soirée ne manquant pas de saveurs. Dans ce contexte, quelque peu oppressant, ne restait plus qu’à observer nos bleus aux couleurs un tantinet carminées (à l’extérieur) réciter leurs gammes d’avant match, concentrés sur le sujet du jour : le pas de deux. Je veux dire par là le double effet pour les deux équipes d’une victoire décisive à trois points : le maintien et l’accès aux plays-offs.

Je n’en menais pas large en mon for intérieur, quand mené 20-12 dans le premier set, notre pointu Lionel s’est mis à caresser la balle d’une main que l’on devinait divine dès l’entame du match. Acteur principal d’un improbable retour à 20-20, je me suis dit, et j’espérais surtout, que l’enfant de Sainte-Luce (Martinique) soit, en cette soirée parisienne, touché par la grâce. Je ne vous avouerai jamais, même pas sous la torture, la nature du petit breuvage que je lui ai rapporté, il y a tout juste une semaine, de sa commune natale. Une sorte d’eau bénite perçue à la source dénommée « Trois Rivières », qui ne se goûte (dixit la Loi) que goutte à goutte, aux vertus réputées pour ses capacités à désinhiber les raideurs psychiques. Bien entendu déconseillée aux sportifs de haut-niveau au sommet de leur art. Mais, face à l’adversité, je me suis dit « Sainte Luce priez pour lui ». Pour qu’à la seule idée de se délecter du précieux nectar après les plays-offs, l’ami Lionel puisse peut-être dépasser ses bornes. Pas loupé. Exaucé. Auteur d’un record personnel de points marqués au cours d’une partie avec 44 points en 4 sets, déjà premier attaquant et premier marqueur de la Ligue B version 2016-2017, Lionel Coloras a littéralement crevé l’écran au Plessis-Robinson. En tout cas, au moins lors du dernier set nous offrant la victoire à trois points avec 19 points à son actif sur 28 à la marque. Qui plus est en distillant au public une panoplie de gestes tous aussi inspirés et efficaces les uns que les autres. Sans faire ombrage à ses coéquipiers, taire cette réalité relève du déni de louanges.

Car pour nous supporteurs, cette forme actuelle de notre pointu – qui n’est pas insolente – mais le fruit de son travail et de toute l’équipe occupée à le servir au mieux,  a des conséquences particulièrement heureuses. D’une part, le maintien (bien difficile à prédire en début de saison) en Ligue B est d’ores et déjà assuré et la perspective de jouer les plays-offs encore plus improbable  a priori est plus ouverte que jamais. Et s’il advenait que Sainte Luce redouble de bonté pour aider, samedi prochain, toute notre équipe (ce ne sera pas de trop !) à faire vivre l’enfer à nos amis Rennais, promis juré, je retournerai sur place, cette fois sans modération, bénir Sainte-Luce de mes rhums préférés.

Le 19 février 2017

Luc Viel